Transition

Élaboration de la charte du Parc Naturel Régional d’Aubrac

par | 12 avril 2017 | Transition

« Participation de Canopée à l’ élaboration de la charte du Parc »

Plusieurs réunions inter-associatives et professionnelles ont permis l’élaboration de la charte entre 2015 et mars 2017, date de l’enquête publique destinée à valider le document.

Canopée est la seule association de promotion de la transition énergétique ayant participé aux ateliers d’élaboration de la charte.

Cet article tente de mettre en relief les axes majeurs que Canopée a proposé et autour desquels nous pensons que devrait s’articuler tout projet d’aménagement du territoire Aubrac.

En fin de document vous trouverez également les remarques du Réseau Environnement Santé sur ce projet de charte…

Première partie, Automne 2016, Recoules-d’Aubrac, dernière réunion avant l’enquête.

1 – Les propositions globales de Canopée pour l’Aubrac, après présentation du projet de charte

En préambule, Canopée :

  • Rappelle que la menace numéro un sur l’Aubrac est celle du dérèglement climatique qui va radicalement changer les particularités du climat atypique de l’Aubrac, bouleverser la flore et donc la vocation herbagère du plateau ainsi que les activités liés à la neige.
  • Insiste sur le fait que la transition énergétique doit être la priorité des actions du parc, car l’Aubrac sera très impacté par le dérèglement climatique.
  • Propose que le Parc se donne comme ambition d’être Parc à énergie positive.
  • Précise que l’Aubrac, malgré ses barrages hydroélectriques (dont la production est essentiellement destinée à soutenir la production nucléaire) est très dépendant du pétrole et n’est pas excédentaire en énergie, contrairement à ce qui a été dit, car il y a confusion entre la production électrique, effectivement abondante grâce aux barrages, et la consommation en énergie finale.
  • Constate que l’Aubrac est un territoire gourmand en énergie : grandes maisons peu performantes, déplacements importants à cause de l’éloignement des services et du travail, comportements alimentaires…
  • Regrette que l’énergie éolienne soit présentée, dans le texte actuel de la charte, comme une plaie alors qu’elle est une énergie indispensable à la transition énergétique.

2 – Les réactions des participants

Autant dire que que ces avis ne sont pas partagés par l’auditoire ! Certains expriment que l’Aubrac est vertueux et que ce sont les villes qui polluent (confusion entre rejet par habitant et rejet d’un territoire). D’autres ne veulent pas entendre parler d’une solidarité campagne-ville (c’est-à-dire production d’énergie pour les zones peuplées).

La plupart estiment impensable que les éoliennes puissent s’intégrer à un paysage à forte vocation touristique. Nous avons même entendu que les énergies renouvelables non pas d’avenir car elles sont impossibles à stocker. Le représentant d’EDF ne réagit pas ! Toute l’assemblée est dans le déni en ce qui concerne la nécessité de l’éolien pour assurer la transition énergétique dans le bouquet énergétique. Même EDF, présent dans le groupe, est incapable de défendre cette énergie !

3 – Conclusion sur le sujet sensible de l’éolien

Il n’y a aura pas d’éoliennes en Aubrac. Certaines zones sont incompatibles avec l’éolien (schéma de développement éolien régional) et d’autres sont réservées à l’aviation militaire (pas sûr que ce soit très bon pour son bilan carbone !) Le temps ne permettant pas de vrai débat, la réunion continue… mais une discussion plus approfondie avec la mairesse de Recoules-d’Aubrac et les représentants du Parc, en fin de réunion, montre que notre point de vue est cependant le bon.

Deuxième partie, mars 2017, participation à l’enquête publique, à travers la lecture de la charte

Les commentaires de Canopée sur la mesure 26…

« Limiter l’empreinte énergétique du territoire et développer les énergies renouvelables »

Cette mesure est qualifiée de prioritaire et notre association s’en réjouit. Il serait bon que la charte mentionne que toutes les initiatives conduites dans le Parc seront étudiées selon la perspective de la baisse des rejets de gaz à effet de serre sur le territoire. Regardons de plus près la disposition 3 de cette mesure 26 : « en préalable de tout développement des énergies renouvelable rechercher des économies d’énergie »

« Économiser quelle énergie ? »

L’électricité d’origine renouvelable augmentera forcément à cause des nouveaux supports (voitures électriques, numérique…) Cette disposition sous-entend que le développement des renouvelables est contraire aux économies d’énergie ou incompatible et elle est d’autant plus étonnante que la loi de transition énergétique nationale prévoie la baisse des consommation énergétique de 20 % parallèlement au développement de 20 % des renouvelables, sans préalable… mais en lien ! Si on prend à la lettre cette disposition, on peut imaginer que dans le cas d’augmentation des consommations d’énergie sur l’Aubrac, les nouveaux projets seront interdits et on reviendrait donc à utiliser des énergies fossiles ! Mais ce sont bien les énergies fossiles et les rejets de CO2 qu’il faut réduire. Canopée a déjà mis en garde l’association de préfiguration du Parc, sur cette formulation inappropriée et inexacte. Il suffit pour s’en convaincre de comparer la consommation électrique par habitant des pays ayant développé les renouvelables avec la nôtre.

Nous proposons que l’Aubrac s’inspire et se rapproche du Parc des Grands Causses, en inscrivant dans la charte le scénario NegaWatt *. Nous l’avons soutenu avec le Parc à Espalion et nous avons fait apparaître la nécessité de réduire nos consommations parallèlement à la mise en place d’un panel d’énergies renouvelables complet, afin d’atteindre les objectifs d’un Parc à énergie positive ou d’un Parc zéro émission de CO2, en conjuguant maîtrise des consommations, énergies renouvelables et compensation carbone.

Le rapprochement des objectifs des 2 Parcs qui sont limitrophes, nous paraît fondamental.
En annexe, voir le document « Parc des Grands Causses » et « Un exemple zéro carbone ».

1 – L’éolien

Un parc a un rôle pédagogique fondamental, il se devrait d’expliquer que l’éolien est irremplaçable dans le mix énergétique. Sa place dans notre territoire reste à débattre et non à écarter par principe, comme on peut le lire dans la version actuelle de la charte du Parc d’Aubrac.

Or, nous notons un souffle anti-éolien sur toute la mesure 26. Regardons cela de plus près.

  • La présence des barrages hydro-électriques nous exempterait des éoliennes. Ces barrages servent essentiellement à soutenir la production nucléaire et cette énergie est en majeure partie exportée hors du parc. Cette ressource doit être partagée par les différentes régions limitrophes dans les calculs des ressources énergétiques du Parc lors de son audit énergétique.
  • Les éoliennes sont incompatibles avec la préservation des paysages. C’est une notion totalement subjective et l’impact des éoliennes est inversement proportionnel à notre sensibilité à la transition énergétique. Voir les territoires qui développent intelligemment cette énergie et qui sont parfois des territoires à fort potentiel paysagé. Le Parc pourrait ainsi organiser des visites dans de tels territoires, comme au Portugal qui est à 50% de son mix énergétique électrique éolien *. Et quel grand et beau défi que de chercher à intégrer ces machines !

Rappelons que le véritable danger en terme de paysage est celui du dérèglement climatique. Que seront nos paysages dans 100 ans avec un climat radicalement différent ? Questionnez votre spécialiste en biodiversité.

Les pays qui ont des parcs éoliens importants consomment moins d’électricité que la France et son parc nucléaire. Nous sommes dans une période critique où nucléaire et renouvelables se livrent un combat technique et économique. Le coût des ENR croise celui du nucléaire et pour que les premiers puissent s’imposer il faut leur laisser leur chance sans créer de discrimination.

Si l’idée de cette mesure 26 est bien de favoriser les économies d’énergies, pourquoi ne pas engager les communes dans une dynamique de baisse programmée de rejet en CO2 ? Les communes du parc signeraient cet engagement avec la charte et si les réductions de consommation ne sont pas au rendez-vous, cela serait compensé par plus de renouvelable. La proposition est donc inverse si on veut se tenir aux objectifs de baisse en CO2. Une bonne idée serait de proposer que chaque nouveau projet générant des bénéfices réinvestisse une partie des gains en économies d’énergie et investissement. À remarquer que le bois énergie, qui lui ne souffre d’aucun frein, pose la question de l’adéquation entre exploitation et renouvellement. N’oublions pas que brûler du bois revient à rejeter des gaz à effet de serre et qu’une forêt est longue à se renouveler. Seul éolien et solaire sont inépuisables et renouvelables. L’hydraulique est fort impactant sur la vie des cours d’eau et la création de nouveaux barrages est impossible (voir le rejet du projet du barrage de St-Geniez).

Nous avons souligné en introduction la forte dépendance de l’Aubrac aux fossiles. Il faut mentionner également que contrairement à l’idée reçue, vivre en zone rurale et qui plus est en Aubrac, induit des comportements moins économes en C02 qu’en ville et en basse altitude.

À Canopée, lors de nos bilans carbone *, cela a été mis en évidence.

1 – L’éolien

Un parc a un rôle pédagogique fondamental, il se devrait d’expliquer que l’éolien est irremplaçable dans le mix énergétique. Sa place dans notre territoire reste à débattre et non à écarter par principe, comme on peut le lire dans la version actuelle de la charte du Parc d’Aubrac.

Or, nous notons un souffle anti-éolien sur toute la mesure 26. Regardons cela de plus près.

2 – Participation des citoyens et des communes aux investissements

C’est primordial, mais il ne faut pas que cela reste des vœux pieux ! Des bonnes idées aux faits, il y a souvent un mur infranchissable ! Il y a un potentiel financier important sur le plateau pour financer des projets d’investissement citoyen. Nous constatons que des initiatives comme celles prises par Énergie partagée * ou comme négocier un contrat électrique chez un fournisseur qui privilégie les énergies renouvelables, restent bien peu populaires. Les communes et le personnel du Parc devront montrer l’exemple. À noter que la commune de Prades d’Aubrac vient de prendre un contrat énergie renouvelable.

3 – Les déplacements

Une question complexe dans un pays à l’habitat dispersé, ce qui nécessite des trajets importants. L’association Voisine * a certainement des idées à proposer. Il faut voir également du côté du Parc des Grands Causses… Malheureusement, les changements de comportement ne seront pas suffisants. Il faut envisager des alternatives au pétrole telles la voiture électrique avec l’installation de bornes de recharge, en parallèle avec les énergies renouvelables. Un exemple : l’élevage génère de nombreux déplacements pour surveiller les troupeaux, des véhicules électriques pourraient satisfaire ces besoins. Idem pour les activités de services. À noter que le tourisme génère aussi d’importants déplacements qu’il faudra compenser et que bien souvent les véhicules ne sont pas de petites cylindrés…

Troisième partie, remarques annexes à la mesure 26

1 – Le développement des énergies renouvelables en agriculture

Nous remarquons que le monde agricole d’Aubrac est très axé sur l’élevage et nous savons que l’élevage est fortement émetteur et que l’alimentation (de la fourche à l’assiette) est responsable de la moitié des émissions de C02 des ménages. Sur l’Aubrac, les prairies permanentes permettent de compenser fortement ces émissions, mais seul le développement des énergies renouvelables sur les exploitation agricoles permet d’assurer un bilan neutre du secteur agricole. Voir le scénario Afterre * Dans ce scénario, tout un panel d’énergies est envisagé, comme sur cette ferme en Aveyron.

On note l’absence de la filière maraîchère dans la charte, alors que cette filière est très vivante, même sur le plateau. Elle est aussi fondamentale dans l’équilibre alimentaire et le rapprochement des producteurs avec les consommateurs. Beaucoup de jeunes agriculteurs qui veulent s’installer ne le peuvent pas alors que la zone est largement déficitaire en production fruits et légumes et la population demande des circuits courts. Promouvoir le bio devrait aussi être dans les objectifs prioritaires le Parc se devant d’être exemplaire.

Méthanisation : pas de cultures dédiées à ce poste sur le projet de charte. Le scénario Afterre précité a pourtant montré que les projets de méthanisation seront nécessaires pour équilibrer les rejets du secteur. Trop souvent, des décisions sont ainsi prises sans qu’aucune référence les accompagne et sans se préoccuper des conséquences dans un scénario zéro carbone. Pour finir sur le secteur agricole, le prix ahurissant des terres n’a pas été évoqué. Pourtant, c’est un paramètre crucial dans l’avenir difficile du monde agricole.

2 – La qualité de l’eau

Le texte annonce une bonne qualité de l’eau alors que la plupart des sources d’ Aubrac sont polluées par l’élevage et l’eau impropre à la consommation. De meilleures pratiques d’élevage sont nécessaires, entre autres l’abandon de l’épandage des lisiers, très polluant pour l’eau et la flore. Le compostage des lisiers avec de la matière organique (copeaux, sciure, paille, broyat…) est nécessaire et limite le rejet de gaz à effet de serre.

Une telle mesure devrait figurer dans les objectifs comme réponse à la problématique « maîtriser les intrants agricoles ».Notre association est volontaire pour être partenaire du Parc sur cette thématique.

Pascal DEVOILLE, association Canopée

Quatrième partie, les remarques du Réseau Environnement Santé sur ce projet de charte.

Télécharger le document

Annexes

le Scénario NégaWatt

Le modèle Portugais
Faire son bilan carbone personnel.
Énergie partagée
L’association VOISINE
Scénario Afterre

Article publié par « Canopée » le 12/04/2017

Les articles