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La station d’épuration de BÉNÉCHOU

par | 1 janvier 2022 | Dossier

« Traitement des eaux usées de Rodez »

Historique

Jusqu’à la fin des années 60 les eaux usées de Rodez étaient rejetées directement dans la rivière Aveyron et nous n’étions pas si éloignés de la période romaine, puisque l’on retrouve de temps à autre, à l’occasion des chantiers, des restes d’égouts datant de cette époque, les touats, descendant du piton.

En raison des pollutions engendrées, une station a été créée dans les années 70 et améliorée au fil du temps avec les dernières reconfigurations remontant à 2006 et 2014. Si la station est sous la propriété et responsabilité de la ville, la gestion technique est déléguée à la société VEOLIA.

Quelques données

Population de Rodez : environ 50 000 habitants
Capacité de la station : 130 000 Eq hbts*
Volume d’eau annuel traversant la STEP : 5 millions m3 se répartissant en 3,5 millions d’eaux usées et 1,5 millions d’eau de pluie. Rodez, comme beaucoup de vieilles villes, dispose de canalisations qui rassemblent les eaux usées et les eaux de pluie dans une seule conduite, c’est ce qu’on appel un réseau « unitaire ».
Débit moyen arrivant à la station : 500 m3/h avec une capacité pouvant aller jusqu’à 2 100 m3/h. En plus des eaux usées des ruthénois, celles en provenance des hôpitaux sont également collectées.
Pour amortir les à-coups, lors des orages, la ville dispose de plusieurs bassins de retenue d’une capacité d’environ 200 000 m3.
Les entreprises se doivent de traiter leurs effluents le plus possible afin de minimiser la contamination. Les restaurants doivent être équipés de bacs dégraisseurs.
Les graisses ainsi que les déchets des abattoirs sont traités plus spécifiquement à la station de Cantaranne, représentant 500 T /an.
9 000 t de boues par an  sont stockées à Bénéchou.

Description de la station

Le débit des eaux brutes arrivant à la station est mesuré en continu et des prélèvements sont effectués régulièrement afin d’analyser quotidiennement la composition.
Ces eaux sont fortement chargées d’objets divers : de la canette en alu, en passant par les lingettes, serviettes hygiéniques, paquets de cigarettes et autres objets jetés à tort dans les bouches d’égout auxquels s’ajoutent les feuilles mortes à l’automne. Ces objets sont arrêtés grâce à des grilles puis compressés et compactés pour être essorés.

Après cette opération d’élimination des objets grossiers en flottation, les eaux passent dans des cuves coniques où, par décantation, les plus gros sables sont collectés.

Ces sables sont lavés puis valorisés en remblai ou en garnissage protecteur pour les canalisations publiques, par exemple.

Les eaux sont ensuite amenées vers divers bassins où les bactéries naturelles incluses dans le milieu vont digérer la matière organique. Ces bassins représentent un volume de 30 000 m3. Certaines bactéries affectionnent davantage la partie carbonée, d’autres les composants azotés. Pour augmenter l’activité des bactéries nécessaire à la réduction du volume de boue, on introduit régulièrement de l’air dans les bassins grâce à une batterie de surpresseurs d’air, assez consommateurs d’énergie électrique (consommation non communiquée).

Comme les bactéries favorisent la libération de composés phosphorés et qu’ils sont nuisibles pour les risques d’eutrophisation en rivière, on introduit un floculant : le chlorure ferrique qui va favoriser la précipitation des boues dans le fond des bassins décanteurs. (Des cuves de Praestol, floculant organique, ont également été observées au cours de la visite).

Une partie des boues est remontée en tête de station par des pompes pour être récupérées alors que l’autre partie est conservée afin de réensemencer en bactéries les bassins.

L’eau rejetée dans la rivière Aveyron est aussi analysée quotidiennement pour calculer le rendement d’efficacité de la station par rapport à la composition des eaux brutes à l’entrée. La composition des eaux rejetées est sous contrôle de la Police des Eaux et répond à la réglementation des rejets de STEP dans le milieu naturel.

Les boues recueillies passent dans 2 filtres-presses. Le « gâteau », comme dise les chimistes, est récupéré puis associé à de la chaux pour être appauvri en eau et réduire les risques d’odeurs par fermentation. Ces boues sont stockées dans un hangar puis cédées aux agriculteurs dans le cadre de l’épandage.

Actuellement la ville de Rodez se libère de 90 % de ses boues pour de l’épandage agricole axé principalement sur la culture du maïs et des céréales. Les 10% restant, éventuellement hors normes, sont déposés en décharge.

Discussion

La visite d’une STEP est intéressante car il faut bien le reconnaître, on tire une chasse d’eau et on rejette des eaux sales à l’évier s’en trop se préoccuper de l’avenir de ces  rejets.
Le traitement des eaux usées reste un sujet très complexe et nous n’avons pas suffisamment d’informations ni de compétences pour porter des jugements sur les choix techniques retenus par la ville de Rodez. Par ailleurs notre vieille ville, comme beaucoup d’autres en France, dispose d’un système « unitaire » qui n’est pas là pour faciliter les choses. Toutefois, pour les citoyens soucieux de l’environnement que nous sommes, il semble que les choix retenus sont assez classiques et que notre ville n’a pas pris trop de risques.

Le réseau unitaire
Le réseau « unitaire » présente d’une part l’inconvénient de diluer les eaux usées et d’augmenter les volumes à traiter à la station durant les périodes de forte pluie mais introduit d’autre part des pollutions d’origine urbaine  (particules fines, hydrocarbures …) qui se retrouveront partiellement dans les boues au final. Au fil des rénovations en ville, les nouvelles constructions visent à se raccorder en double réseaux mais cette évolution est nécessairement longue.

Les graisses et objets solides
L’usage des graisses collectées (500T/an) n’a pas été très explicite, même si l’on nous a annoncé qu’elles étaient retraitées à Cantaranne (usage ?). D’une part, ces déchets ont un contenu énergétique qui serait peut être valorisable, d’autre part comme ils empoisonnent la STEP, il serait préférable de les réduire au maximum. Les citoyens devraient sans doute être mieux informés sur la nécessité de séparer le mieux possible eaux et matières grasses pour les retourner en déchetterie, comme les vieilles huiles de friture, par exemple. Il en est de même pour les déchets solides qui devraient éviter de finir dans la cuvette de WC ou dans les égouts sur la voie publique.

Consommation énergétique
La station semble avoir une consommation électrique importante, notamment pour le fonctionnement des surpresseurs d’air, exigés par la technique choisie (oxygénation des boues). A cet égard, on peut rappeler que la technique de méthanisation des boues, qui n’est pas nouvelle (Achères 1940, Dijon 1980 …) et qui semble se redévelopper depuis une quinzaine d’années, permet d’obtenir du méthane susceptible d’alimenter une chaudière pour sécher les résidus et fournir même de l’électricité pour les besoins de la station.

Épandage des boues
L’utilisation des matières fécales en épandage dans les jardins était encore largement pratiquée dans nos campagnes dans les années 60 et cela revient même à la mode grâce aux amateurs de toilettes sèches après une phase de compostage. Cette pratique ne semble pas poser de problèmes sanitaires majeurs si les familles concernées vivent sainement en mangeant de préférence « bio » et ne présentent pas de maladies exigeant des traitements médicamenteux importants. C’est pourquoi l’épandage des boues de station d’épuration reste une démarche logique.
En vue de leur utilisation en épandage, la ville de Rodez a retenu le traitement à la chaux pour stabiliser les boues mais il existe d’autres procédés : compostage, traitements dans des conditions anaérobies, aérobies, avec léger chauffage etc. Chacun de ces procédés a bien sûr ses avantages et inconvénients tant sur le plan technique (hygiénisation) qu’économique. On rappellera qu’en dehors de l’épandage, ne reste que l’incinération et la dépose en décharge pour se débarrasser des boues qui présentent de nombreux inconvénients.
Cependant, l’épandage n’est pas toujours bien accepté par les populations et aussi parfois par le monde agricole en raison de quelques accidents notables et de quelques exigences industrielles (Ex : alimentation pour bébés). Les parisiens ont connu, par exemple, la suspension des cultures maraîchères des plaines de l’Ouest (Montesson, Cergy) dans les années 80 en raison des teneurs en métaux lourds retrouvés dans les salades et légumes, suite à un excès d’épandage des boues de la  STEP d’Achères.
Le principal problème provient du fait que les boues issues des villes ne contiennent pas que les matières fécales naturelles mais bien d’autres substances dues à la pollution urbaine, apportées par les réseaux unitaires et les divers rejets en provenance d’industries, hôpitaux …Il existe une réglementation (arrêté du 8 janv. 1998)  qui surveille la composition des boues destinées à l’épandage en termes de métaux lourds (7 éléments) et de quelques substances organiques (3 HAP* et 7 PCB*). Certains s’en satisfont, mais est-elle suffisante aujourd’hui en fonction des connaissances actuelles ?

Les boues et les substances émergentes
(Ce sujet n’a pas été abordé collectivement mais seulement effleuré en aparté avec le  responsable, Nicolas Charles)
Le Réseau Environnement Santé s’inquiète de ce que l’on appelle les « substances émergentes  » ou les « micropolluants ». Depuis quelques années, plusieurs études menées par des organismes officiels très différents en France convergent vers les mêmes constats. L’une d’entre elles portant sur l’analyse des boues sur près d’une trentaine de STEP, urbaines et rurales, avec des procédés différents, montrent des polluants curieusement très similaires quel que soit le type de station. On retrouve très souvent des substances chimiques ayant des effets de perturbateurs endocriniens comme les alkyls phénols, BPA*, perfluorés, HAP… Un autre pan de l’étude suit également les substances médicamenteuses où l’on retrouve toute la pharmacopée des français : antibiotiques (humain et vétérinaire),  somnifères,  béta-bloquants…Certes, à des teneurs faibles (de  quelques dizaines à quelques centaines de micro g /g de boue sèche) mais lorsque l’on sait que de nombreux perturbateurs endocriniens interviennent sans effet de seuil, on se doit d’être très prudent. D’autant que cette étude va bien au-delà de la simple analyse chimique.

Des analyses de sol et biologiques sur les plantes cultivées ont également été conduites, permettant de montrer que certaines d’entre elles assimilaient certaines de ces substances dont les perturbateurs endocriniens.
Pour résumer, l’épandage de boues est susceptible de disséminer tous ces micropolluants durant la phase d’épandage à la fois pour les agriculteurs mais aussi pour les populations voisines et aussi au travers de notre alimentation. Cette conclusion revenant à se positionner, comme beaucoup d’entre nous, vers la recherche d’une alimentation la plus saine possible (bio). Attitude permettant d’avoir des fèces bio, comme dirait un médecin, alors acceptables pour le jardin !

Voir schéma ci-dessus résumant la situation (extrait du rapport nov. 2014 ADEME/CNRS/ INRIS/SIAAP sur les substances « émergentes » des STEP)

En guise de conclusion

La visite d’une station d’épuration des eaux usées urbaines permet de faire comprendre au citoyen, l’énergie et les moyens techniques nécessaires à mettre en œuvre pour traiter ces eaux et les rejeter en rivière, selon les critères exigés par la réglementation.

Même si les discours officiels et la  » com » des opérateurs et des collectivités parlent d’épuration atteignant la qualité d’eau de « baignade » ou ne perturbant pas le milieu naturel, il faut rester réaliste. Certes, les STEP permettent de rejeter dans le milieu naturel une eau partiellement épurée mais dont certains éléments toxiques sont aussi transférés vers les boues.
Il faut savoir que concernant les substances émergentes, les stations actuelles ont malheureusement un rendement parfois décevant.  Concernant certaines substances chimiques ayant des effets de perturbateurs endocriniens ou certaines substances médicamenteuses, les rendements ne dépassent guère 30%.  Cela signifie que ces substances se retrouvent majoritairement dans le milieu naturel (eau et boues). Raison pour laquelle les autorités réfléchissent à une amélioration de la réglementation quant aux analyses et méthodes d’épuration pour le futur.

Le bon sens voudrait aussi que le citoyen s’oriente davantage vers une alimentation bio, n’emploie les médicaments qu’à bon escient et utilise le plus possible les produits simples comme l’eau ou le vinaigre pour l’entretien des logements afin que les eaux usées restent les « plus propres  » possibles en amont.

Compte rendu de la visite du 13 janvier 2016 rédigé par Bernard PETIT, membre de canopée et du Réseau Environnement Santé.

Abréviations utilisées :
Eq hbt :  Equivalent habitant basé sur la pollution moyenne d’un individu
HAP : Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques
PCB : Polychloro-biphényls
BPA : Bisphénol-A

Article publié par « Canopée » le 01/01/2022

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