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Faut-il que ça saigne ?

par | 31 décembre 2021 | Dossier

« Un dossier aux petits oignons, mitonné par des Canopéen »

Humeur Bestiale

Vous y trouverez la lettre ouverte de Jacques, suite aux actions de l’association L214 : “Humeur bestiale” et l’analyse de François qui consomme de moins en moins de produits carnés : “viande et santé“. Et en bonus les commentaires de Canopée…

Depuis le coup médiatique de l’association L 214 affichant des commentaires orientés, portés par des voix de peoples, sur des images volées dans des abattoirs, les quelques associations prônant l’abolition de l’élevage rivalisent d’initiatives pour tenter de clamer leur message.

La prochaine en date est l’organisation par la confidentielle 269 Life d’une Nuit Debout devant les abattoirs.
Le sourire – à minima – est de mise à l’évocation d’un tel titre. Quelle ambition ! Prendre la suite d’un mouvement social qui a rassemblé des centaines de milliers de personnes, en France et à l’étranger. La prétention n’étouffe personne chez 269 Life. De quoi dégoutter les participants au véritable mouvement Nuit Debout, symbole de démocratie directe et participative, d’être ainsi récupérés et absorbés par un activisme au sein duquel le dialogue n’a pas de place quand quelques-uns veulent imposer leur dictat à la majorité.

C’est à la lecture des consignes pour le déroulement de ce pseudo-évènement qu’on ne rigole plus. À première vue, rien de bien méchant. On y parle de veillée silencieuse, d’ambiance solennelle, de respect du calme. Mais les consignes se font plus précises : il est recommandé de déposer des mots, des fleurs, ou encore des bougies à proximité des grilles. Cela ne vous rappelle rien ? Attendez, je vous éclaire un peu plus. La consigne suivante consiste à déposer des portraits de victimes …

Moi, personnellement, quand j’ai lu de telles consignes, mon esprit a tout de suite fait le lien avec les images qui ont tourné en boucle suite aux différents attentats terroristes qui ont marqué notre vie nationale ces dernières années. Qui n’a pas éprouvé une puissante émotion, ressenti un serrement de cœur ou versé des larmes devant ces images du Bataclan, de Charlie ou de la Promenade des Anglais, les jours suivant les attentats, devant ces amoncellements de fleurs, de dessins d’enfants, de bougies et, bien sûr, de photos de victimes ?

Que certains utilisent ces gestes naturels, émotionnels et spontanés pour les transformer en méthodes et procédés pour défendre une cause, quelle qu’elle soit, n’est simplement pas acceptable, pas admissible. Voici une récupération qui laisse sans voix.
Comment peut-on faire preuve d’un tel niveau de cynisme ? Utiliser ainsi la peine collective de tout un peuple à des fins militantes c’est avoir un bien grand mépris pour le militantisme. Du haut de leurs (croient-ils) grandes idées, ils font une sale besogne en usant de méthodes propres aux extrémismes les plus malsains.
Mais, finalement, la bassesse de ces pratiques ne serait pas grand chose si elle ne venait pas se confronter à des personnes, des êtres humains qui sont ainsi accusés des pires maux. En suscitant l’amalgame entre les attentats terroristes et les activités d’un abattoir, 269 Life jette l’opprobre sur les hommes et femmes qui travaillent derrière les grilles de ces abattoirs.
Les connaissent-ils ? Je ne préfère pas entendre leur réponse.
Qui suis-je pour vous parler ainsi ? Simplement un des leurs.

Les hommes et femmes qui travaillent au sein de ces entreprises d’abattage, industrielles ou artisanales, méritent le respect, le simple respect. Ils méritent aussi la considération, celle qu’on doit à ceux qui, dans nos sociétés, font les boulots qu’on ne veut pas voir.
Ouvriers d’abattoirs, balayeurs du métro, pousseurs de brouettes …, même combat, même considération, même respect.

Les femmes et les hommes qui travaillent en abattoir ne sont ni pires ni meilleurs que les autres.

Ils sont des laborieux, pas des intellectuels, mais ils n’ont rien à apprendre et surtout pas de leçon à recevoir d’activistes dont la finalité n’est pas seulement le végétarisme ou le veganisme, mais in fine la disparition de l’élevage et la fin de la domestication qu’ils considèrent comme une forme d’esclavage. Aujourd’hui les animaux d’élevage, demain vos animaux domestiques …
Au cours des siècles derniers nous, hommes et femmes d’abattoirs, avons assumé le fait que l’ensemble de nos concitoyens ont peu à peu considéré comme tabou l’acte d’abattage. Dans son ouvrage de référence*, Stephen Mennell explique que, de la fin du XVIII° au XX° siècle « certains actes humains sont peu à peu relégués derrière les décors de la vie sociale et investis d’un sentiment de pudeur. Dans ce contexte, l’abattage apparaît comme une activité « animale » au même titre que certains actes intimes (déféquer, uriner, copuler) ».

Soyez assurés que nous poursuivrons notre tâche dans l’ombre où la société nous a plongé et non pas où nous nous sommes retranchés, comme certains voudraient le faire croire.

Même si nous avons été surpris de nous retrouver au centre de l’attention médiatique, nous pouvons affirmer que la prise de conscience autour des questions de protection animale nous a également concerné. Non pas qu’elle ait été absente de nos pratiques, mais elle a trouvé une acuité nouvelle. Nous sommes attentifs à la critique et respectueux de l’épiphénomène que représentent les activismes de tout poil. Nous ne pouvons certainement pas en attendre autant de leur part. Mais il devient désormais fort difficile de garder sérénité et tolérance comme fil conducteur de notre démarche.

C’est pourtant bien de respect et de sérénité dont nous avons besoin pour continuer à rendre les services qui sont attendus de nous.
Jacques ALVERNHE, directeur d’abattoir, ancien éleveur.

* Français et anglais à table du moyen âge à nos jours, Stephen Mennell, Flammarion 1987

L’ANALYSE DE FRANÇOIS : “VIANDE ET SANTÉ”
On écrit la chose et son contraire sur l’alimentation humaine, y compris en se fondant sur des “découvertes scientifiques récentes”. Quand on souhaite se nourrir de manière équilibrée et appropriée, mais ne pas choisir un dogme alimentaire, on se trouve devant une réelle difficulté à trouver des références objectives.
La solution consiste peut-être à tester différents modes alimentaires ? Ou à tout le moins d’écouter ce que réclame son corps ? Mais alors, il faut savoir discriminer ce qui relève du besoin et ce qui relève de l’envie…

Cet article n’a pas vocation à dire quel choix est à faire vis-à-vis de la consommation de viande. Il tente de faire une sorte de mini-synthèse sur le sujet “viande et santé” à partir de recherches diverses sur l’alimentation, après en avoir sélectionné âprement les sources. Celles-ci se résument à un livre, lui-même synthèse de nombreux travaux sur la nutrition, et à des publications convergentes sur Internet. Cet article n’engage que son auteur.

Voici donc !
Les protéines sont les composants essentiels des cellules du corps. On les trouve dans les muscles, les enzymes, les hormones, les cellules sanguines, les sucs digestifs, les anticorps, les os, la peau etc…
Elles jouent un rôle considérable dans le fonctionnement du corps : en particulier, régularisation de la croissance, de la reproduction, de la digestion, mais aussi défense de l’organisme contre les infections, contraction des muscles etc…
Or le corps ne les stocke pas. Il faut donc lui en fournir chaque jour, de façon modérée mais régulière, à au moins 2 repas sur 3.

Pour éviter d’être carencé, il faut prendre en considération plusieurs éléments dans le choix de nos protéines alimentaires : présence ou non des acides aminés essentiels (8 parmi les 22 entrants dans la structure des protéines présentes dans l’organisme humain), leur quantité, leur état après la digestion et l’assimilation au niveau cellulaire.
Aucun aliment (à part l’œuf et certains champignons) ne contient tous les acides aminés essentiels nécessaires : en particulier, les viandes et les produits laitiers manquent de cystéine et de méthionine, le poisson de trytophane, le blé de lysine etc…

Une alimentation diversifiée est donc conseillée.

Effets de la carence en protéines : amaigrissement, fonte musculaire, asthénie, difficultés de concentration et de mémoire, difficultés digestives, déficit intellectuel plus ou moins important (notamment chez l’enfant), troubles du sommeil, perte de tonicité de la peau (relâchement tissulaire des visage, bras et cuisses).
Effets de l’excès de protéines : les cellules de l’organisme, le sang, les urines se chargent excessivement en purine, en acide urique, en urée… et ceci a pour conséquence, à plus ou moins long terme, des altérations du foie, des reins, des articulations, du système cardio-vasculaire, voire des cancers de l’intestin et du côlon.

En tout état de cause, la quantité de protéines nécessaire peut varier en fonction de l’âge, de l’activité, de l’état de santé, du climat…

En revanche, il faut impérativement associer les protéines à des féculents (céréales, légumineuses, divers tubercules (dont la pomme de terre), banane, châtaignes, potimarron) pour leur assimilation au niveau cellulaire, ainsi que l’ont démontré les chercheurs R. Masson, J.-J. Bernier, J. Adrian, N. Vidon, G. Tchobroutsky et B. Guy-Grand dans leurs différentes études.

Pour ceux qui ont fait le choix de conserver la viande dans leur alimentation :

Pour assurer l’apport protéinique journalier, on peut par exemple consommer pour un adulte :

Midi : 2 œufs à la coque, frais et biologiques,
Soir : environ 80 g de poisson (frais, sauvage, d’endroits non pollués) ou de viande, que l’on peut remplacer, de temps en temps, par des protéines d’origine végétale (spiruline, soja, graines de chanvre et de courge, beurre d’arachide, haricots azuki, fenugrec, tempeh, noix, pois chiche, graines de chia, épeautre, quinoa, sarrasin, son d’avoine…)

Quelles viandes choisir ? Les viandes apportent en général entre 15 et 20 g de protéines aux 100 g, mais leur teneur en graisses diffère selon leur origine,

    • Viandes maigres : les volailles (poulet, dinde…), le lapin, le veau et le cheval sont à privilégier, car ces viandes contiennent 2 à 10 g de graisse pour 100 g,
    • Viandes intermédiaires : la viande de bœuf contient de 10 à 20 g de graisse pour 100 g,
    • Viandes grasses : les viandes de porc et de mouton sont à consommer le moins souvent possible, car elles contiennent 20 à 30 g de graisse pour 100 g.

Pour ceux qui ont fait le choix de supprimer de leur alimentation toute viande et toute charcuterie :

Aucune carence n’est à craindre en cas de recours :

  • aux sous-produits animaux (œufs, fromage…),
  • aux graines germées (céréales et légumineuses germées),
  • aux jeunes pousses d’herbe,
  • aux fruits oléagineux,
  • aux algues fraîches
  • aux champignons sauvages,
  • et, de manière modérée, aux poissons, coquillages et crustacés (frais, sauvages, d’endroits non pollués).

D’après le journal de la “Vegetarian Society” de Grande Bretagne, un végétarien de naissance épargne la vie d’approximativement 760 poulets, 5 vaches, 20 cochons, 29 moutons, 46 dindes, 15 canards et 7 lapins.
Le docteur Kousmine nous apprend qu’au Danemark, durant la guerre 39-45, la population a vu une amélioration de sa santé et une diminution de la mortalité par maladie ou par vieillesse de 17%, parce-que son alimentation en protéines d’origine carnée avait été appauvrie.
Au-delà du choix de poursuivre ou non la consommation de viande,
il reste à faire le choix de modes de cuisson, pour conserver le plus possible les propriétés nutritives des aliments.

Modes de cuisson conseillés :

    • Cuisson à l’étouffée, pour faire cuire les aliments dans leur propre jus ou avec très peu de liquide,
    • Cuisson à la vapeur, (présaler la viande et le poisson avec du sel marin complet),
    • Cuisson au papier sulfurisé, (les aliments sont enveloppés puis plongés dans l’eau bouillante),
    • Cuisson à la broche, à condition de tenir la source de chaleur (au-dessus ou latérale) éloignée de l’aliment pour ne pas brûler les graisses,
    • Cuisson au four, électrique de préférence, et à chaleur tournante afin de ne pas dépasser le cap des 100° néfastes à la qualité de l’aliment,
    • Cuisson à la poêle, avec des huiles supportant bien la chaleur, comme l’huile d’arachide bio de première pression à froid,
    • Cuisson au bain-marie, pour une température inférieure à 100°. Permet aussi de réchauffer sans recuire.

Modes de cuisson déconseillés :

    • Cuisson en cocotte-minute, en autoclave, sous pression,
    • Grillade et barbecue (horizontal, à pierres de lave ou sans), qui génère des toxiques comme des goudrons et des benzopyrènes (sauf avec le barbecue vertical),
    • Cuisson en papillote avec du papier d’aluminium, pour laquelle il y a un risque de passage de microparticules d’aluminium dans l’aliment,
      Friture,
    • Cuisson au four à micro-ondes, à cause de l’émission d’ondes électromagnétiques,
    • Cuisson sur une table de cuisson à induction, à cause des émissions de champ magnétique.

François VANHEE décembre 2017

LES RÉACTIONS À “HUMEUR BESTIALE”

Bernard Petit, adhérent de Canopée et du RES (Réseau Environnement Santé)

Il existe incontestablement un mouvement contre la souffrance animale qui fait beaucoup de bruit et qui est très actif dans le domaine alimentaire et au delà. Cette tendance qui va jusqu’au “véganisme” masque même les discours des gentils “végétarens”, “végétaliens” et autres défenseurs de l’environnement et de la santé. La réduction de la consommation de viande (pour les bovins en priorité), à la fois soutenue pour des raisons environnementales et de santé, devrait conduire à des élevages de tailles plus modérées et donc avec plus de qualités susceptibles d’améliorer la condition animale. Je peux témoigner que j’ai vu plusieurs faits de maltraitance dans notre département. Dans le cadre d’une transition écologique, il semble indispensable d’aller globalement vers une réduction des besoins en viande en espérant que cette démarche améliore aussi la condition animale à tous les niveaux (élevage, transport et abattage). Les vrais vegans ne doivent pas porter de chaussures en cuir, mais il faut bien reconnaître que ce matériau est confortable car il laisse respirer les pieds. Certains vegans porteraient-ils des chaussures en plastique issu du pétrole ? Les troupeaux (en plein air bien sûr, pas ceux en stabulation) participent également à l’entretien des paysages. En conclusion, il semble que dans l’état actuel des choses, aller vers la démarche du “mitarien *”, comme le suggèrent certains scientifques de l’INRA est une bonne attitude de transition (je pense que je suis sur cette voie, mais les chamboulements culturels culinaires ne sont pas faciles !)
*Le “mitarien” est celui qui est à mi-distance entre l’omnivore et le végétarien, ce qui fait déjà de sérieuses économies de CO2 selon l’INRA.

Jean-François Boutonnet, adhérent de Canopée

Vaste sujet. Il est certain que la consommation de viande est défavorable aux émissions de CO2 et grande consommatrice d’eau. L’augmentation de la population et des besoins en nourriture nous permettrons-t-ils de continuer à consommer de la viande? Au delà de ces considérations, viens se rajouter le problème du bien être animal.Ce qui me gène dans le courrier de Jacques, c’est qu’il reproche que l’on utilise des images d’animaux torturés dans les abattoirs comme des victimes. Ce sont des victimes. Les abattoirs sont victimes de leurs pratiques. Les animaux abattus selon la méthode cacher ou hallal sont saignés à mort et se voient mourir, mais il ne faut pas en parler dans un pays pourtant laïque. Pour autant, en tant que consommateur de viande (même en forte diminution) je suis coupable de favoriser de telles pratiques. De plus, je ne suis pas à l’aise avec les travailleurs des abattoirs qui font un métiers difficile, sûrement pas par plaisir mais souvent par besoin. En résumé, je me sens coupable de consommer de la viande et je fais des efforts pour en consommer moins et mieux. La méthode de L214 est dégradante pour les travailleurs de ces abattoirs qui ne sont pas des criminels. Mais on ne peux pas cautionner la consommation de viande qui n’est pas un modèle durable sauf dans certains cas particuliers. Bonne réflexion.

LE COMMENTAIRE SUR “VIANDE ET SANTÉ

La remarque de Bernard Petit, adhérent de Canopée et du RES (Réseau Environnement Santé)
Pour certains experts, un régime végétarien strict n’est pas sans risques pour les femmes enceintes et les jeunes enfants < 3 ans car il peut introduire des carences avec des conséquences sur le système nerveux central. L’être humain reste un omnivore, et l’apport raisonnable en protéines d’origine animale (viande et poisson) jusqu’à la fin de l’adolescence reste un compromis acceptable pour la santé et l’environnement.

À lire : Le guide anti-toxique de la grossesse -Dr Laurent Chevallier-Ed Marabout et Le cerveau endommagé -Barbara Demeneix-Ed Odile Jacob

Article publié par “Canopée” le 31/12/2021

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